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    Nous sommes entrés dans l'ère du « tout est dans l'ordinateur », écrit le philosophe Michel Serres. Le problème n'est plus la diffusion du savoir, mais ce que l'on en fait pour réinventer le monde. Enthousiasmant.

     

    Une nouvelle humanité se lève, il faut tout réinventer

    Dégoûtés par le ciel triste et la croissance zéro, les neurones de tout un chacun ont tendance, ces temps-ci, à hiberner. Voici pour les réveiller un petit grand-livre plein de fulgurances et d'espoirs. Michel Serres, historien, philosophe qu'on ne présente plus, se pose là comme le longtemps attendu anti-Stéphane Hessel. Le père des « Indignés », héros de l'extrême gauche, nous a plongé il y a deux ans dans la nostalgie des Trente Glorieuses et de leurs grandes causes sociales perdues. Rêve déprimant des belles années passées… Le vibrionnant académicien, futur héros des internautes, nous propose de réhabiliter le présent et ses mutations. Il le fait avec l'enthousiasme gascon qu'on lui connaît, avec une gourmandise des mots craquants et avec un brio décapant. Disons le tout (Inter) net : voilà le livre qui va vous réconcilier avec votre époque.

     

     

    Petite poucette est la jeune fille qui tapote ses mails et SMS sur son smartphone. Petite poucette représente une nouvelle humanité. Le début du livre donne la liste impressionnante des mutations qui ont eu lieu depuis les années 1970 « sans que nous nous en apercevions ». Nous habitions encore les campagnes, nous peuplons les villes. Le monde était vide, avec 7 milliards d'humains, il est plein. Langues, religions, cultures se croisent, le multiculturalisme est de règle. Intervalle unique dans l'histoire occidentale : soixante ans sans guerre. On se mariait il y a un siècle pour dix ans de vie commune, aujourd'hui pour soixante-cinq ans compte tenu de l'espérance de vie. L'âge moyen du premier enfant a reculé de quinze ans. Les antalgiques et anesthésiques ont fait reculer la souffrance, la mort est adoucie par des soins palliatifs. « Religieuse ou laïque, relève Michel Serres, toute morale se résumait en des exercices destinés à supporter la douleur inévitable et quotidienne : maladie, famine et cruauté du monde. » D'où, sans doute, ladite crise morale de notre civilisation.

     

    L'essentiel est pourtant ailleurs, dans nos têtes. Nous vivons la troisième mutation fondamentale. L'invention de l'écriture a permis de ne plus apprendre par coeur la tradition orale. L'imprimerie a permis d'écouter Montaigne et de se consacrer à avoir une tête bien faite plutôt que bien pleine. Aujourd'hui, Internet met tous les savoirs à disposition de tous, en permanence et où que l'on soit. Michel Serres résume : « Le but de l'enseignement était de transmettre les savoirs ? Eh bien voilà, c'est fait ! » On peut, on doit, passer à autre chose. Ce « tout est dans les ordinateurs » modifie radicalement nos comportements. L'élève n'écoute plus le prof qui ne lui dispense qu'un savoir accessible ailleurs et qui n'est qu'un savoir parmi d'autres. Le décideur est remis en cause par les décidés, aussi bien informés que lui, sinon collectivement mieux. Tout le monde veut parler, une nouvelle demande politique, énorme, se lève.

     

    Et alors ? Alors commence la nouvelle humanité. C'est l'intuition forte du livre : le changement du support-message (écriture, livre, Internet) conduit à un changement des cervelles. L'enjeu n'est plus le savoir, il est accessible, mais d'inventer comment s'en servir. Nous entrons dans l'ère de l'intelligence, de l'invention. La clarté de la connaissance compte moins que la vitesse et le « concept », la raison cartésienne du général, parfois moins que le concret singulier.

    On lit et relit partout avec énervement l'aphorisme du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Faux ! s'élève Serres : tout doit radicalement changer. « Le travail, les entreprises, la santé, le droit et la politique, bref l'ensemble de nos institutions. » Les lieux d'habitation par exemple, définissaient notre appartenance, la politique se référait à la cité. C'est fini ! Sur la Toile, l'appartenance devient fluctuante et les nations sont en voie de disparition. « Quelle chance ! » se réjouit au passage le philosophe. « Les nations, combien de millions de morts ? », demande-t-il en référence aux XIX e etXX e siècles (2).

     

    La fin de l'ère du savoir, désormais à portée de main, ouvre le temps d'une nouvelle humanité et d'un monde qui change entièrement, qui change de nature. Comment s'y retrouver ? Quelles politiques recommander ? Le philosophe donne seulement quelques intuitions : l'importance des données (un cinquième pouvoir ? Et un nouveau droit de l'homme à inventer qui lui donne propriété de ses données propres) ; l'importance des codes d'accès (le code, c'est l'homme ? Nous entrons dans une civilisation de l'accès) ; l'importance de la pensée « procédurale », comme on avance lorsqu'on écrit des algorithmes.

     

    On pourra regretter que ce ne sont là que de bien pauvres petites consignes qui nous laissent bien perdus dans le monde neuf. Ce serait manquer l'enthousiasme du message principal : « Allez-y ! » « Ne regrettez pas le monde d'hier ! » Celui qui vient, qui est déjà là, est ouvert, imprévisible, il prône la liberté et l'individualisme. Tout est à réinventer. Au travail les neurones.


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